• 23.08.2015

Actualités L’école nouvelle : une "école des ânes"?

Une chronique en forme de diptyque, proposée par Michel Aragno, microbiologiste, professeur honoraire de l’Université de Neuchâtel

Suite de la précédente chronique de Michel Aragno du 15 août 2015: "La source d'une vocation": http://grainedegeniecitoyen.ch/la-chronique-de-michel-aragno

Marguerite Bosserdet (1886-1967), une grande pédagogue de l’école nouvelle

L’hommage qui suit a été rédigé* suite au décès de Marguerite Bosserdet, en janvier 1967, par William Perret (1896-1993), qui fut avec elle co-fondateur de l’école nouvelle des Terreaux, à Neuchâtel, en 1929.

Cette expérience fut menée avec l’aval des autorités et inspirée de la pédagogie de Célestin Freinet. Organisateur et directeur de l'office cantonal des mineurs (1946-1961), il fut président de la section suisse de la Ligue internationale pour l’éduction nouvelle.

Divers journaux et revues ont dit et diront encore comment, par une carrière passée dans l'enseignement du premier degré, à Neuchâtel, cette femme extraordinaire créa pour ainsi dire, soutint et développa en une magistrale démonstration, sa classe, les principes et la pratique d'une Ecole Active vraie dont la réputation dépassa largement les frontières du canton. On rendra ici hommage à sa mémoire en présentant comme un message, la motivation profonde qui a donné tant d'unité et de pénétration à l'influence de Marguerite Bosserdet.

Personne ne la tenait pour une « spécialiste de l'enseignement » dont le cercle d'intérêts fût borné par des préoccupations de programme annuel de lecture, d'examens trimestriels de calcul, de notes, bulletins hebdomadaires, de moyennes... Non. Une seule valeur justifiait ses choix, ses méthodes, ses actes : la vie, ou plutôt le respect de la vie. L'école, l'enseignement, instrument privilégié de préparation à la vie. Non pas apprendre à lire pour savoir lire, mais pour comprendre la pensée des auteurs, entrer en relation avec eux ; écrire, dessiner, construire, créer, non pas pour exposer ses talents et obtenir de bonnes notes, mais parce que c'est ainsi qu'on exprime la vie, sa vie propre, qu'on se relie au monde, qu'on s'y situe et s'y épanouit. Ce grand respect pour la vie personnelle de ses élèves impliquait pour Marguerite Bosserdet qu'elle les connût. C'est pourquoi ils trouvaient dans sa classe tout le matériel qui permet à un enfant de se découvrir et de montrer ses intérêts, ses dominantes, ce qu'il désire, peut ou ne peut pas faire ; de montrer comment il s'isole ou, au contraire, recherche le groupe, agit en chef ou en exécutant... Observant minutieusement les actions et les réactions des élèves, elle découvrait vite les caractéristiques de leur personnalité, ce qu'il y avait de meilleur en eux, et avec une grande finesse utilisait la psychologie la plus moderne pour créer un milieu favorisant la structuration des caractères et l'épanouissement des intelligences. (…) Toujours considérant la vie dans son ensemble, cette pédagogue n'ignorait pas que tout enfant entrant à l'école y amène en quelque sorte sa famille, et qu'il est vain de tenter de le libérer et de lui faire acquérir maîtrise et indépendance sans la collaboration de ceux qui lui ont donné le jour et l’élèvent. C'est pourquoi, avec la logique implacable qui marquait le détail de toutes ses entreprises en matière d'éducation, par des contacts, des entretiens, des visites, des recherches en commun, Marguerite Bosserdet avait fait de sa classe une « communauté école-famille » émouvante.

La vie ne finit pas quand on quitte une telle école ; et cette école ne finit pas, car c'est là qu'on a appris à observer, réfléchir, chercher, tâtonner, se connaître, trouver une méthode personnelle d'étude, qu'on a appris, par les choses, par la vie, à ne pas tricher, ne pas se tricher. D'une telle « institutrice » qui a collaboré à votre «établissement », on n'oublie jamais le chemin de sa maison ; on y revient toujours plus tard, quand on est grand, que des questions se posent : l'amour, la profession, les idées, les conflits ; quand on est devenu des parents avec des problèmes d'enfants... C'est pourquoi tous aujourd'hui, les petits élèves de son jardin d'enfants qu'avec jeunesse elle dirigeait chez elle, à quatre-vingts ans, ses « anciens », les parents, des grands-parents, des étudiants, de jeunes et de futurs pédagogues, ses amis, ses camarades de travail et de combat, avec lesquels elle discutait d'objection de conscience, des droits de la femme et des gens de couleur, de science moderne, de psychologie, de tout, ceux qu'elle encourageait dans la fidélité au respect de la vie, tous sont stupéfaits et ne croient pas que celle dont on ne connaissait plus que ce nom, « la maîtresse », ne soit plus. Et ils ont raison, car le dynamisme, les forces, les orientations, le courage transmis par de telles femmes demeurent agissants, chez ceux qui les ont reçus et qui les communiquent à leur tour par leur propre vie.

William Perret

 

Extrait de : Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisses Vol. 55 (72), Février 1967

Photo: « La Maîtresse » (Marguerite Bosserdet) au milieu de ses élèves, probablement au début des années 1930, à l'école des Terreaux.

Voir les archives

ACTUALITÉS

Les droits humains en jeu de questions

Des spécialistes de la migration de l’UniNE ont collaboré à un jeu de société réalisé par le Service de la cohésion multiculturelle de l'Etat de Neuchâtel.

RUBRIQUE LITTÉRAIRE

L'Arabe du futur. Moi, Fadi, le frère volé, Tome 1

RTS DÉCOUVERTE

L'antisémitisme

C'est quoi l'antisémitisme? Quelles en sont ses formes? Où prend-il ses racines? Quelle est la situation en Suisse? Comment lutter contre cette discrimination raciale?

Point de Vue

Lutter contre le réchauffement climatique

Un rayon de soleil qui se réjouit de rebondir sur la glace du Grand Nord comme il en a l’habitude, sauf que, cette fois, il est happé par l’océan Arctique et ne parvient plus à retraverser l’atmosp

AVEC LE SOUTIEN
PARTENAIRES