Il y a 165 ans, au matin du 1er mars 1848, 700 à 800 hommes armés, menés par Fritz Courvoisier et Ami Girard, partent de La Chaux-de-Fonds pour marcher sur Neuchâtel. En fin de journée, la ville est occupée, le Château est pris, et le soir, vers 21h00, le premier Conseil d'Etat républicain de l'histoire neuchâteloise tient sa première séance.
Le canton de Neuchâtel réussit alors là où le reste de l'Europe échoue.
1848, en Europe, c'est ce que l'on appelle "le printemps des peuples": ce sont les diverses révolutions sicilienne et milanaise, française, hongroise ou polonaise. Toutes ces révolutions finirent écrasées, souvent dans le sang; toutes, sauf une: la Révolution neuchâteloise du 1er mars 1848, qui est la seule, en Europe, à durer.
Ce printemps, comme tous les quatre ans depuis 1848, le corps électoral neuchâtelois est appelé à choisir ses autorités pour ce qui sera la 49e législature de l'histoire de la République. En ce jour de commémoration de la Révolution, nous invitons les citoyennes et les citoyens de notre canton à se souvenir de ce que nous devons à ceux qui sont venus avant nous, à leur en être reconnaissants.
C'est aux révolutionnaires de 1848 que notre canton doit ses institutions démocratiques: en chassant le régime royaliste en place, les Neuchâtelois ont changé de souverain. C'était le roi de Prusse qui décidait; c'est désormais le peuple qui élit ses représentants, son gouvernement, ses autorités; c'est le peuple ou ses représentants élus qui votent la Constitution et les lois, qui accordent les budgets et fixent les impôts.
Il s'est passé en 1848 à Neuchâtel la même chose qu'en Afrique du Sud en 1993: l'instauration du principe "un homme – un suffrage" (one man, one vote), même si la démocratie d'alors, le "one man- one vote" de 1848, excluait la moitié de la population, puisque les femmes durent patienter 111 ans, six mois et 26 jours pour avoir leur 1er mars à elles. C'est en effet le 27 septembre 1959 qu'elles obtinrent les mêmes droits politiques que les hommes à Neuchâtel.
Nos prédécesseurs nous ont légué ce que nous avons de plus précieux, ce pour quoi ils se sont battus: nos institutions démocratiques. Depuis deux ans, l'actualité est là pour nous montrer qu'il ne suffit pas de faire la révolution pour instaurer la démocratie. Ceux et celles qui tiennent à une vraie démocratie, ouverte, moderne, n'ont pas encore gagné leur combat en Tunisie, en Egypte ou en Lybie. En Syrie, ils meurent par milliers, comme l'a relevé tout récemment le conseiller fédéral Didier Burkhalter, en constatant que "le conflit en Syrie fait de cette région un enfer pour plus de cinq millions de Syriennes et Syriens".
Oui, décidément, la révolution neuchâteloise de 1848, la seule des révolutions européennes de 1848 qui ait duré, fait de notre canton "la plus heureuse des patries", comme le dit si bien notre hymne cantonal.
En conclusion, je peux affirmer que hier, aujourd'hui comme demain: je suis fier de mon canton.
Philippe Gnaegi