Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) «Vol de nuit»
Toute l’œuvre de Saint-Exupéry, et en particulier l’ouvrage choisi, a été une véritable source d’inspiration et d’émotions fortes depuis ma jeunesse. J’adore voler, de manière presque obsessionnelle. J’ai toujours eu, et j’ai encore le goût de l’aventure, et je n’ai jamais cessé d’avoir un fort penchant pour le concept de mission, de responsabilité, de devoir à accomplir. Cet ouvrage est totalement imprégné de cet esprit, que ce soit chez Rivière, responsable des opérations en vol, ou Julien, le pilote, et son co-équipier radionavigant. On peut lire dans la préface de Gide : « Le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. » Cette affirmation est peut-être contestée par quelques lecteurs, mais, personnellement, je la trouve tellement juste, et elle correspond parfaitement à mon expérience de vie ! Le pilote, et l’astronaute, se retrouvent dans ce propos… Les aléas de la météo exposaient les membres d’équipage à un niveau de risque impensable aujourd’hui dans l’aviation commerciale. Ce risque était encore augmenté de nuit, à cause de la limitation des indications visuelles de la position de l’avion. C’est toujours avec une grande émotion que je lis le passage de l’ouvrage où Julien tire son unique fusée éclairante pour identifier la nature du sol : « C’était la mer. » Puis cette montée en spirale dans ce puits de lumière constitué par une trouée des nuages, vers les étoiles, avec un cap vers l’ouest pour tenter de rejoindre la côte, sachant que, bientôt, les réserves de carburant seront épuisées et que l’avion percutera finalement la mer, ou peut-être la terre ferme, mais le résultat sera le même, de nuit… « Il serre dans son volant le poids de la richesse humaine, et promène, désespéré, d’une étoile à l’autre, l’inutile trésor qu’il faudra bien rendre. » Magnifique, et si tragique à la fois ! Je pense aux astronautes du dernier vol de Columbia : bien que dans un environnement totalement différent, ils étaient dans une situation semblable à la fin de leur vol orbital, « infiniment riches, mais condamnés ». Magnifique, et si tragique à la fois 54 Carlos Ruiz Zafón (1964- ) « L’ombre du vent » Il semble bien cruel de devoir choisir un seul livre de ma vie. À chaque âge il est des ouvrages marquants qui peuvent inspirer des rêves, des envies, des désirs, des angoisses ou des complexes. Les Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol m’avaient donné l’amour de la rédaction en me rappelant que l’art de raconter des histoires vraies n’est pas donné à tout le monde… Quelques grands auteurs français et russes m’ont marqué, tout comme plusieurs romanciers anglais ou américains. Mais j’ai choisi un livre enchanteur, L’ombre du vent, qui est justement un éloge à la littérature. Publié en 2001, ce roman de Carlos Ruiz Zafón retrace avec talent, tendresse, amour et suspens, un récit captivant sur la trame historique d’une Espagne tourmentée par la guerre. La vie du personnage principal (qui se prénomme Daniel) sera bouleversée par la découverte d’un cimetière de livres disparus, une bibliothèque mystérieuse, un lien aussi magique que secret. Il devra choisir un ouvrage à préserver, celui d’un énigmatique auteur, Julián Carax. Ce sera le début d’une aventure à la fois tragique, touchante et fantastique. Avec un étrange personnage au visage effroyable, qui tente de brûler tous les écrits de l’intrigant Julián Carax. J’ai été séduit par le style, le rythme et l’imagination de Zafón. La réalité se mêle à l’imaginaire et la fiction inspire le rêve. Un magnifique roman que j’ai offert à de nombreux amis.
Le livre de ma vie | DANIEL ROSSELLAT | Syndic de Nyon et directeur du Paléo F