La pandémie du Covid-19 a entraîné la fermeture des écoles. Quels enseignements tirer de cette expérience ?
Fermer les classes dans l’urgence n’est pas chose aisée. Directions établissements enseignants et enseignantes ont à improviser des solutions , trouver des astuces et des. manières de faire afin de poursuivre leur tâche éducative. L’école à la maison est l’un des scénarios futuristes de envisagés par les experts de l’OCDE. Cette option séduit de plus en plus les parents des classes sociales aisées des pays anglo-saxons. Il s’agit, en quelque sorte, d’une résurgence moderne de l’ancienne pratique des précepteurs.
Pas tous égaux
La généralisation de ce modèle en montre les limites. Tout d’abord, le numérique ne remplace pas la présence physique des enseignants et des enseignantes. Ensuite, tous les élèves n’ont pas accès à un ordinateur ; nombre d’entre eux se débrouillent comme ils le peuvent et font usage d’un téléphone portable. Lire et faire des exercices sur un si petit écran n’est guère aisé et fatigue les yeux. Travailler en ligne implique avant tout de bonnes conditions de vie, de l’espace et des parents prêts à organiser le travail scolaire et à donner un coup de main. Autant dire que ce système ne s’adresse qu’aux milieux favorisés. Il convient aux élèves qui sont à l’aise dans la culture scolaire mais il accroît les difficultés de ceux qui en sont éloignés et qui sont à la peine. En un mot, l’école à la maison accroît les inégalités. Il est donc illusoire de penser que lorsque les élèves retourneront à l’école, il sera possible de poursuivre le programme comme si la classe s’était déroulée normalement.
Les parents à la tâche
L’école à la maison jette une lumière crue sur les conditions matérielles, sociales et culturelles des familles. Même s’ils sont bien équipés et formés, les parents éprouvent des difficultés à faire la classe à leurs enfants. Enseigner est un métier qui ne s’improvise pas. Apprendre la soustraction à un enfant de huit ans, par exemple, requiert un certain savoir-faire, une connaissance des manières d’appréhender cette opération. De plus, liens affectifs et enseignement ne font pas toujours bon ménage. Il arrive que les parents s’énervent, crient, perdent patience devant les réticences de leurs enfants à se mettre au travail ou devant leurs difficultés d’apprentissage. Ces tensions se manifestent aussi lorsque les enfants vont à l’école et font leurs devoirs à domicile. Elles sont toutefois exacerbées en période de confinement. L’école à distance implique une gestion du temps particulièrement compliquée. Il s’agit de concilier les horaires du télétravail des parents avec ceux de la scolarité des enfants. Un véritable casse-tête que celui d’assurer la continuité des apprentissages avec des enfants d’âges différents. Il faut s’adapter aux exigences des programmes, passer d’une discipline à l’autre, prévoir des pauses. Il arrive souvent que les parents débordés par les tâches scolaires, s’acquittent de leur propre travail jusque tard dans la nuit. Si l’expérience du confinement devait se reproduire, pourquoi ne pas proposer aux parents quelques outils pédagogiques afin de leur faciliter la tâche ?
Des a priori trompeurs
Pourquoi est-ce ce parfois si ardu de mettre ses enfants au travail, de leur faire la classe sans classe ? Parce que, explique Philippe Meirieu, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université Lumière-Lyon II, l’école à distance se fonde sur un a priori : l’autonomie et l’assiduité des élèves. On part de l’idée que ces aptitudes sont acquises alors qu’elles relèvent du travail des enseignants et des enseignantes. Il en va de même de la motivation, de la persévérance, de l’envie de découvrir et de progresser. Ces capacités font partie des objectifs d’apprentissage ; elles s’exercent et s’acquièrent en classe à travers les multiples interactions entre élèves et entre élèves et enseignants. Finalement l’école à la maison ne peut pas se substituer à l’école lorsqu’il est question d’apprendre à vivre et à progresser ensemble.
Simone Forster